Rien de spécial
Le blog de Régis

Petite page de vérité sur la Banque de France

Challenge, Capital, Le nouvel Obs, etc. Beaucoup de magazines peu sérieux font leur une sur les « privilèges » des agents de la Banque de France.

Et ça commence à m’agacer parce que je travaille à la Banque et que les privilèges, je n’en vois pas un seul. Ce qui me fait écrire ce soir, c’est un article de « Contribuables Associés », qui a préféré censurer mon commentaire — parce qu’il rétablissait la vérité?. Je publie donc ici ce que j’écrivais là-bas, histoire de faire apparaître la réalité.

Bercy espérait adosser le régime de retraite des agents de la banque au régime général, géré par la CNAV, ce qui lui aurait permis de récupérer au passage une soulte bien venue pour soulager les finances publiques.

La Banque de France a un régime de retraite spécifique. Il s’agit d’un régime par capitalisation, les prélèvements sur les salaires sont placés par la Banque et les revenus du capital sont versés sous forme de pension. C’est assez unique en France.

En tout cas, le gouvernement souhaitait effectivement mettre la main sur ce pactole. Mais cela lui pose de gros problèmes juridiques. La manne appartient en effet aux agents, pas à la Banque et encore moins à l’État. La solution la plus simple pour le gouvernement était donc de laisser tomber. Et pour permettre la pérennité du système, celui-ci a dû être aménagé (augmentation de la durée de cotisation, principalement). La direction de la Banque et les syndicats ont signé un accord (à l’exception dans un premier temps de la CGT, mais c’est leur fond de commerce de ne pas être d’accord) qui stipule un alignement sur le régime des fonctionnaires (Le Monde).

De plus, ce qui est bien confortable pour les salariés, la Banque s’engage à garantir 100% des retraites en abondant chaque année une caisse spéciale par un prélèvement sur les bénéfices. Ainsi, les confortables dividendes que la Banque verse à l’Etat seront réduits d’autant

Effectivement, comme le régime par capitalisation ne suffit pas aujourd’hui (en raison notamment de la baisse des taux d’intérêts et de l’augmentation de la durée de vie), la Banque complète par une donation à la caisse de réserve sur ses bénéfices. C’est indéniablement un « privilège » des agents de la Banque et à mon sens une technique astucieuse pour la Banque de payer moins d’impôts, ce que je trouve bien curieux pour une entreprise publique.

Maintenant, il convient de mesurer le montant de cette donation. Les bénéfices de la Banque en 2005 était de 520 millions d’euros et 90 millions ont été affectés à la caisse de réserve des retraites. (source La Tribune)

Personnellement, je ne suis pas sûr que ce soit beaucoup plus choquant que les renflouements que l’État pour l’assurance vieillesse ou l’assurance maladie du régime général. Renflouements payés par tous les contribuables — et donc avec l’impôt des agents de la Banque alors qu’ils n’en ont pas profité pour un centime, puisqu’ils sont justement sur des régimes spécifiques.

A peine 3 000 agents sont partis sur 16 000

Il faudra que je vérifie les chiffres, mais il me semble que les effectifs sont passés de 15000 à 10000 de 1995 à 2005. Et la moitié des agents doivent encore partir à la retraite d’ici 2012. D’un point de vue structurel il y a donc déjà eu beaucoup de départs, je trouve.

Certains visiblement en souhaitent plus. Mais comment avec le droit du travail français une entreprise peut-elle licencier des gens alors qu’elle dégage de forts bénéfices?

alors que la Banque de France n’a presque plus rien à faire en raison de l’euro ; elle a dix fois plus de salariés que la Banque d’Angleterre qui, elle, a une monnaie à gérer.

J’ai un peu l’impression d’avoir un discours de syndicaliste, mais il est totalement faux de dire que la Banque de France « n’a plus rien à faire ». La gestion des dossiers de sur-endettement est une activité en plein boom. La Banque de France imprime davantage de billets d’euros qu’elle n’imprimait de Francs, parce que la masse fiduciaire est supérieure (notamment parce que nos voisins européens utilisent plus le liquide que nous, mais que l’impression de billets est répartie équitablement).

Et elle garde ses autres privilèges, à commencer par un comité d’entreprise qui représente 13% de sa masse salariale.

C’est bien beau de sortir des chiffres, mais ce serait mieux s’ils n’étaient pas fantaisistes. La Cour des Comptes indique 4,3%, je me fie d’avantage à ce chiffre.